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Sujet: Make them believe you are strong [r.] Mar 12 Oct - 20:43
Becky soupira profondément en resserrant les pans de son gilet blanc contre elle alors qu’elle traversait la cour qui séparait les deux ailes. Son regard se posa sur les feuilles multicolores des arbres du parc qui se trouvaient un peu plus loin et offrait un paysage charmant mais également inquiétant. Le vent glacial vint remuer celles-ci dans un bruissement sinistre alors qu’une de ses longues mèches blondes s’échappaient de son chignon mal ajusté. Elle ne prit pas la peine de la remettre en place et accéléra l’allure afin de retrouver le plus rapidement possible la chaleur de l’aile C. De tout l’asile, cette dernière était incontestablement celle qu’elle craignait le plus et qu’elle évitait au maximum lorsque le planning le lui permettait. Déjà lorsqu’elle était patiente en ces lieux, le lugubre bâtiment la terrifiait. On racontait tellement d’horreurs à son sujet de l’autre côté de la cour. On disait que les fantômes des patients torturés par les méthodes barbares des années 50 hantaient les lieux. Au même titre que le personnel médical assassiné par les malades mentaux qui étaient enfermés en son sein. Elle n’avait jamais réellement cri aux histoires de fantômes et d’esprits frappeurs. Non, elle était plutôt du genre de celle qui taille une bavette avec l’éventuel fantôme qu’elle est amenée à rencontrer, à crier après le monstre de la forêt pour qu’il vienne l’affronter s’il avait un tant soit peu de courage. Mais rien n’était plus terrifiant que la réalité. Et la réalité, elle l’avait touché du doigt durant son adolescence lorsque des cris terrifiants s’échappaient du bâtiment la nuit pour atteindre le sien. Lorsqu’elle était amené à croiser les regards sans vie et emplis de mal à l’état pur de ces patients lorsqu’ils vaquaient à leur occupation dans la cour. Ou lorsque Noah tentait de la rassurer sur l’horrible blessure qui lui cisaillait la main après une garde en ces lieux maudits. Et cette même réalité, plus que toucher du doigt, elle y avait été confrontée quelques mois auparavant. A l’image d’aujourd’hui, elle avait effectué un remplacement et s’était retrouvée assignée à l’aile C. Elle avait vaincu ses terreurs adolescentes et avait pris le parti de se convaincre qu’il s’agissait certes de malades difficiles mais qu’en fin de compte, il ne s’agissait que de malades. Et les malades, on pouvait les aider, leur venir en aide. Oui, elle s’en était convaincue. Et elle avait tellement l’habitude d’une relation saine et pleine de confiance avec ses patients de l’aile D qu’elle n’avait pas vu le danger arriver.
« Tiens, bonjour Becky. Tu remplaces Dottie ? » « Oui. » La silhouette rassurante et bienveillante de Cassandra, l’infirmière en chef de cette aile calma un tant soit peu les battements frénétiques de son cœur. Le sourire de celle-ci flamboya en Becky comme les rayons du soleil vous réchauffant sous la fraîcheur hivernale. Elle s’approcha d’elle et déposa son sac dans le carré des infirmières. Elle avait prit le minimum avec elle et faisait semblant que tout allait bien alors qu’en elle, elle tremblait de part en part. Après l’incident, elle avait été incapable de même poser le regard sur le bâtiment. C’était un grand pas en avant qu’elle venait d’effectuer et elle était plutôt fière d’elle. Même si elle n’en menait réellement pas large. Par son expérience, Cassandra le remarqua instantanément mais eut la délicatesse de le dissimuler. « Ca me fait plaisir de te voir. » « Oui, moi aussi. » répondit-elle, la voix quelque peu tendue alors que son regard ne cessait de vérifier les allées et venues des patients dans les couloirs. Beaucoup restaient enfermés dans leur chambre. Certains étaient consignés afin de ne blesser personne. Ni eux, ni les autres patients, ni le personnel médical. Et elle entendait le son de la télévision couverte par les discussions sur le fil de ceux qui se détendaient dans le living room. « Bon courage. Si tu as besoin, je suis là et Finn est dans la salle 12. » Cassandra lui envoya un nouveau sourire chaleureux avant de poser une main réconfortante contre son dos et de s’éloigner vers ses patients. Becky lui envoya un sourire avant de se convaincre elle-même. Tout allait bien se passer.
Et contre toute attente, ses retrouvailles avec l’aile Psychiatrie se passa bien. Les patients étaient relativement calmes. Curieux de découvrir une nouvelle tête. Mais ils se contentaient de l’observer du coin de l’œil pour les nouveaux. Les anciens, quant à eux, avaient pris le parti de l’ignorer. Peut être avaient-ils oublié ce qu’il était arrivé la dernière fois. Non, ils n’avaient pas tous oublié, constata-t-elle en remarquant un patient pyromane l’observer dissimulé derrière un mur, attendant vraisemblablement que quelque chose se passe. « Becky, tu peux aller chercher Tobias pour qu’il vienne manger. » La jeune femme se figea instantanément tandis qu’elle observait d’un regard paniqué la toute jeune infirmière. Elle était arrivée récemment et ignorait donc le passif de Becky et de ce patient. Immédiatement, Becky chercha un regard compatissant. Mais Cassandra était déjà partie avec la moitié des patients au réfectoire. Finn l’avait accompagné. Et il ne restait qu’Allison et Becky dans l’aile. Elle dut se faire une raison et décida d’affronter celui qui la terrifiait depuis cet épisode. Elle était grande, avait traversé des épreuves insurmontables, il n’y avait pas de raison qu’elle ne traverse pas cette dernière et n’en sorte pas grandie. Prenant son courage à deux mains, elle s’approcha de la chambre qu’elle avait pris le soin d’éviter scrupuleusement toute la mâtinée. Elle se tordit les mains pendant de longues et interminables secondes avant de prendre une profonde inspiration et d’ouvrir la porte avec toutes les précautions du monde. « Tobias ? » Sa voix n’était pas assurée pour deux sous. « Bonjour. » Elle n’avait toujours pas trouvé la force de passer totalement la porte et continuait de se trouver dans l’entre deux, craignant une attaque ou quoi que ce soit, tremblante comme jamais. Elle déglutit péniblement avant de poursuivre d’une voix mal assurée : « C’est l’heure de déjeuner. Il faudrait aller déjeuner. » Elle avait le désagréable ressentiment de lui demander quelque chose plutôt que de le lui ordonner. Mais elle n’y pouvait rien. C’était déjà beaucoup.
Sujet: Re: Make them believe you are strong [r.] Mar 12 Oct - 22:46
Ici, entre ces murs blancs et sans vie, les jours passaient et se ressemblaient à quelques détails près mais trop insignifiants pour qu’ils en deviennent notables. Ainsi, le temps s’égrenait d’une façon tout à fait différente lorsqu’on était enfermé dans cet endroit en tant que patient ou bien lorsqu’on y travaillait. Les employés avaient des horaires à respecter et pour tout, les repas, les promenades, les activités, le passage aux sanitaires, la télé et même les médicaments alors que les patients vivaient dans une bulle en dehors de toute réalité spatio-temporelle. Ça ressemblait un peu au Paradis, sans doute était-ce la couleur de l’endroit qui donnait cette impression, le blanc immaculé donnait l’impression de vivre au cœur même d’un rêve mais il suffisait d’entendre les cris et de voir les habitants de ce lieu curieux pour comprendre qu’on venait de tomber tout droit en Enfer. Quel Dieu un tant soit peu aimant aurait laissé faire ça à ses enfants ? A sa création ? A la preuve la plus parlante de sa faiblesse et de sa puissance ? Tobias n’en avait rien à foutre de tout ça. Ça avait au moins le mérite d’être clair, il n’avait jamais été croyant et encore moins pratiquant, la seule chose qu’il ait jamais consenti à faire fut de se marier dans une église catholique pour satisfaire la folie de sa femme mais pour le reste, elle se débrouillait avec sa foi, lui avec son athéisme virulent. Il avait vu trop de choses pour encore croire en l’existence d’une puissance supérieure, l’homme était particulièrement doué pour tuer les siens et surtout pour trouver des excuses invraisemblables pour le justifier, dans l’esprit du grand blond, les religions, quelles qu’elles soient, étaient l’excuse parfaite aux génocides, aux meurtres et autres guerres et n’avaient aucun fondement, il ne croyait alors qu’en sa patrie, en l’armée et surtout à toutes les armes qu’il gardait constamment avec lui et qui ne l’avaient jamais trahi. Mais aujourd’hui en quoi croyait-il ? En qui avait-il remis sa foi et ses espoirs les plus fous ? A personne … Il était désormais seul face à son destin et de longues heures de solitude, enfermé en isolement, lui permirent de s’en apercevoir. Personne ne pouvait rien pour lui, pas même ses proches, ceux qu’il aimait le plus au monde, au fond c’était là le comble de l’homme, en dépit de tous ceux qui l’entourent tout au long de sa vie, il se retrouve perpétuellement seul. Qui mieux que soi-même peut comprendre ce qu’on endure ?
Il n’était pas dupe et voyait bien la suspicion dans le regard de son père ou même de sa mère, combien de fois avait-elle sursauté lorsqu’il s’était approché d’elle pour lui prendre la main ou l’enserrer dans ses bras ? Trop souvent pour qu’il n’en tienne pas compte et ne se remette pas en question. Assis près de sa fenêtre qui donnait directement sur le parc, il était en pleine période de lucidité et de rétrospection, tout revenait par vague plus ou moins forte et il ne se sentait pas vraiment en mesure de le supporter quelques heures de plus. Ça faisait deux jours qu’il n’avait pas bougé d’ici, incapable de trouver le sommeil avec l’idée que la femme qui l’avait mis au monde avait peur de lui et ne l’aimait plus. Se faire détester des autres était une chose mais que sa propre mère en vienne à le haïr et à le considérer comme un meurtrier, ça, il ne le supportait pas. Les premières heures, il bouillonna d’une rage sans nom, affublant la malheureuse de tous les noms d’oiseaux possibles et imaginables, heureusement qu’elle ne se trouvait pas en face de lui lors de cette phase. Puis vint le moment où il se remit en question, s’accusant de tous les maux, reconnaissant qu’il ne se trouvait pas ici par hasard et que cela signifiait forcément qu’il avait fondu un câble et qu’il terminerait sa vie ici, parmi les membres de sa nouvelle famille : les cinglés. Après l’acceptation vint alors la déprime. Les pires pensées lui vinrent en tête tandis que de grosses larmes roulaient sur ses joues envahies par une barbe de quelques jours. Il était devenu un poids pour tout le monde et principalement pour ceux qu’il aurait dû soutenir jusqu’au bout, il les avait abandonné mu par quelque chose qui l’avait complètement dépassé et dont il ignorait la provenance. Comment en était-il arrivé là ? Comment avait-il pu aller si loin en oubliant complètement ses enfants ? Il n’était qu’un monstre ! Un putain de monstre !
Lentement, sa main alla tâter la poche de sa chemise pour vérifier que son contenu était toujours là avant de venir s’en saisir. Il en sortit deux photos qu’il avança près de la fenêtre pour qu’elles soient illuminées par le soleil à son zénith. Une larme s’écrasa sur le coin d’une d’entre elles avant qu’il ne les laisse tomber sur ses genoux, se mettant à jouer nerveusement avec son alliance et ce par réflexe. Personne n’avait eu la force de lui demander de la retirer et comment aurait-on pu justifier une chose pareille ? Dans son esprit, il était encore marié et l’aimait encore et de toute façon, on ne voulait pas lui offrir une raison de tout démolir une fois encore, il lui suffisait déjà de peu pour partir en vrille. Dire qu’il effrayait le personnel … Où était passé l’homme charmant qu’il fut durant la majeure partie de sa vie ? Il était sans doute mort avec sa femme ce jour-là , sans elle, il n’était plus rien, il se contentait de survivre, se sentant un peu comme un parasite. Lorsque la porte fut ouverte à la volée, il en était à l’élaboration de sa prochaine tentative de suicide, ne se voyant pas continuer ainsi encore six mois de plus, s’il aimait vraiment sa famille, il devait absolument en finir au plus vite. Au fond, il devait sans doute bénir la providence de vivre dans l’ignorance la plus totale les trois quarts du temps, cela lui évitait de souffrir comme à cet instant. Jamais une période de lucidité n’avait duré aussi longtemps.
« Bonjour. » grommela-t-il à mi-voix, le regard toujours rivé sur le parc vide à cette heure
Il ne prêta aucune attention à sa nervosité, pas plus qu’il ne se rendit compte qu’être dans la même pièce que lui était un véritable calvaire pour elle. Cependant, par le plus grand des hasards et sans doute son plus grand bonheur, il comptait bien écourter ce moment.
« Non merci, je vais rester ici. Si vous pouviez dire au docteur que j’aimerais le voir, je crois qu’il est temps d’en finir à présent. » ajouta-t-il avec sérieux et une pointe de tristesse dans la voix
Enfin, il détourna les yeux de son point d’observation pour se lever, faisant tomber les photos qui allèrent se réfugier sous un meuble. Il fallut qu’il porte la main à sa poche pour s’en apercevoir et se mettre littéralement à paniquer, comme si sa vie seule dépendait de ces seules photos.
« Non non non non non non ! » dit-il en se jetant à quatre pattes pour les chercher
Il tenta bien de passer ses doigts sous le meuble mais vu la taille de ses mains, autant dire que c’était tout bonnement impossible, tous les meubles étaient fermement fixés pour empêcher les incidents et celui-ci n’échappait pas à la règle. Sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit, des larmes d’impuissance roulèrent sur ses joues tandis qu’il reprenait sa place près de la fenêtre. C’était une belle journée pour partir.
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Sujet: Re: Make them believe you are strong [r.] Dim 17 Oct - 17:01
Le patient de la chambre 13 la terrifiait avec raison. Elle ne s’était pas remise de sa dernière crise qui l’avait presque menée à reprendre le chemin des séances avec les nombreux psychiatres qui travaillaient en ces lieux. Ce qu’elle avait fait en quelque sorte avec l’aide et la patience de Noah. Pour elle, il restait le patient instable et violent capable du pire. Même si elle n’avait plus remis les pieds dans l’aile C depuis lors, elle avait souvent fantasmé les actions de Tobias. Que faisait-il ? Qui menaçait-il ? Quelle allait être sa prochaine victime ? Elle en était même venue à interjeter auprès de Noah que le patient n’avait rien à faire ici. Que sa véritable place était en prison et non pas dans une chambre stérilisée et sécurisée. Il ne méritait pas un tel traitement. Les autres patients n’avaient pas à subir sa présence et ses menaces. Mais il ne l’avait pas écouté. Cela avait même constitué une dispute entre eux. Elle ne comprenait pas qu’il était malade et qu’ils se devaient de l’aider, que le mettre en prison ne ferait que l’enfermer plus profondément et de manière irrémédiable dans sa maladie. Tu n’es qu’une infirmière, Becky, laisse les vrais médecins décider. Je ne suis peut être qu’une infirmière mais ce n’est pas toi enfermé confortablement dans ton bureau de luxe qui se retrouve en danger de manière quotidienne avec des types de cet acabit. Claquement de porte et discussion rompue. Elle avait dû voir ses espoirs abandonnés et continuait à fréquenter les mêmes lieux que celui qui l’avait agressé qui resterait toujours dans son imaginaire celui qu’il avait été ce jour-là.
Aussi fut-elle surprise de l’accueil qu’elle reçut lorsqu’elle osa à peine ouvrir la porte de la chambre 13. Elle avait pris tellement de précautions et avait tellement peur qu’elle s’était imaginé que le jeune homme allait surgir de derrière cette dernière et la menacer d’un couteau. Ou qu’il allait se jeter sur elle et tenter de l’étrangler. Mais pas un seul instant elle n’aurait pu imaginer qu’il pouvait représenter un animal blessé qui n’aspirait qu’à une seule chose : en finir au plus vite. Dans son imaginaire, s’il voulait en finir, ce serait avec la vie des autres, pas la sienne. Malgré l’épisode désastreux qu’il lui avait fait vivre, alors qu’elle avait déjà traversé tant d’épreuves, le cœur de Becky se serra en le voyant aussi résigné. Elle ne put s’empêcher d’avoir mal pour lui et sa bonté naturelle revint prendre le dessus sur la rancœur et la terreur qu’il lui inspirait. La peur était toujours bien présente, insidieuse, et ne la lâcherait pas de si tôt. Mais elle se faisait plus douce et plus domptée par les élans du cœur de la jeune infirmière. « Que voulez-vous dire ? » Evidemment, elle avait deviné le sens de ses paroles mais à force de fréquenter des psys depuis son adolescence, elle avait attrapé un mimétisme et des réflexes professionnels. Les faire parler, dire la vérité pour qu’il se retrouve face à cette dernière et l’affronte. Avec un peu de chance, ils remportaient la bataille de temps à autre.
Toujours dissimulée à moitié derrière la porte, elle n’avait pas encore trouvé la force de pénétrer totalement dans la chambre. Les souvenirs qui y étaient liés n’étaient encore que trop présents. Les cauchemars continuaient de l’assaillir tandis qu’elle luttait pour trouver le sommeil qui ne venait que trop tardivement. Elle l’observa se lever et eut un mouvement en avant lorsqu’il perdit ses photographie qui allèrent se dissimuler sous le meuble. Son cœur se serra davantage devant le désespoir de son agresseur et contre toute attente, elle se précipita à ses côtés. Elle n’y pouvait rien. C’était dans sa nature, même s’il la figeait sur place de peur d’un simple regard. Malgré toutes les règles de sécurité auxquelles elle s’astreignait rigoureusement depuis l’incident, elle s’approcha et se mit à quatre pattes pour tenter de récupérer les photographies. Il ne méritait pas de couler encore davantage aujourd’hui. Il la touchait profondément. « Attendez. » Lui tournant le dos, elle tenta de récupérer les images, ses mains étant plus fines. Quitte à s’écorcher le haut de ces dernières, elle grimaça tandis que le bout de ses doigts frôlait avec beaucoup de difficulté les coins des objets recherchés.
Accroupie, elle se figea soudain quand elle se rendit compte qu’elle venait de se mettre inutilement en danger. Tandis qu’elle continuait obstinément à caresser le sol du bout de ses doigts dans l’espoir futile de ramener les photographies vers elle et se sortir de cette situation hautement dangereuse, son cœur se mit à battre frénétiquement, analysant les moindres mouvements derrière elle, de la sueur descendant le long de son échine dorsale et son esprit se focalisant sur la peur panique qui commençait à envahir ses membres gourds. Finalement, délivrance suprême, elle parvint à récupérer les photographies et se redressa dans la seconde même, se rassurant comme elle pouvait mais tremblante de part en part en se rendant compte de l’énorme prise de risque qu’elle venait de prendre. Elle n’y pouvait rien mais ses yeux étaient baignés de larmes de terreur et elle tremblait de part en part alors qu’elle tendait les photographies avec une énorme appréhension aux patients. « Tenez. » parvint-elle à articuler avec beaucoup de difficulté.
Dès qu’il les eut récupérer, elle fit trois pas en arrière, se soustrayant à quelque geste qui pouvait être fait à son encontre. Elle prenait une distance de sécurité et se rapprochait de la porte, priant de tout son cœur que Finn revienne rapidement du réfectoire. Elle ne serait rassurée qu’en sa présence. Elle n’avait pas pris la peine de regarder l’objet des photographies auquel il semblait tant tenir. Peut être aurait-il vu ça comme une attaque personnelle. Elle ne voulait prendre aucun risque avec ce patient. Finalement, elle déglutit péniblement avant de reprendre la parole et de tenter de se maîtriser un tant soit peu : « Vous devriez aller déjeuner, Tobias. Si vous ne déjeunez pas, vous allez perdre de vos forces. Voir les autres vous fera sans doute du bien. Se laisser dépérir n’est pas une solution. » Elle avait pris connaissance de son dossier et de son passé par le biais de Noah. Il avait toutes les raisons de déprimer mais pas le droit de se laisser aller. Il avait peut être perdu sa femme par sa faute mais ses enfants étaient encore en vie. Il ne pouvait plus les voir mais au moins avait-il le réconfort de savoir qu’ils continuaient de courir sur cette Terre, de rire et de découvrir les merveilles de l’existence. Tous les enfants n’avaient pas cette chance.
Sujet: Re: Make them believe you are strong [r.] Sam 23 Oct - 11:24
C’était à croire que sa simple vie ne dépendait que de ces ridicules petits bouts de papier et nous n’étions pas très loin de la réalité. C’était ce qui le faisait tenir, sans véritable preuve de l’existence de ses enfants, il aurait probablement sombré dans une démence profonde sans espoir de s’en sortir. Son propre quotidien était chamboulé par ses crises et ses hallucinations, il peinait souvent à discerner le vrai du faux et le réel de l’irréel, c’était une véritable torture et souvent, il penchait pour la mauvaise interprétation, fonçant sur les surveillants comme s’ils étaient prêts à le tuer d’une minute à l’autre et se retrouvant finalement enfermé en isolement sans comprendre réellement ce qui avait pu le conduire jusque-là. Il avait beau le nier catégoriquement depuis son arrivée, il perdait pied de jour en jour et les visites toujours plus espacées de sa famille ne l’aidaient pas à garder conscience et surtout envie de se battre. Si une grande part du travail lui revenait, il ne pouvait clairement pas le faire sans soutien. Or, il se sentait tout bonnement abandonné, lui ,le paria de la famille. Dire qu’il était autrefois le fils prodigue et que d’un seul battement de cils, il aurait pu faire bouger des montages, désormais, il n’était plus en odeur de sainteté et il suffisait de voir sa mère trembler comme une feuille chaque fois qu’il paraissait pour comprendre que cette époque était révolue. C’était un véritable déchirement de la voir dans un tel état de frayeur, au point où elle n’osait plus le toucher et encore moins l’étreindre, sans doute persuadée qu’il n’hésiterait pas à l’étouffer si elle se laissait faire et peut-être qu’il en aurait été capable, en pleine crise, voyant rouge et ayant besoin de faire payer à quelqu’un cette situation dont il était l’unique responsable. Pourtant il n’avait jamais dérapé lors des visites, bien au contraire, il n’y avait aucun autre moment où il possédait toute sa tête, se souvenant clairement de son passé, de ses actes de bravoure et de ses années en tant que simple soldat, la seule chose dont il n’arrivait pas à parler c’était le meurtre de sa femme, non seulement parce qu’il ne se l’expliquait pas mais qu’il ne s’en souvenait pas plus. Il peinait à s’imaginer en train de la trucider alors qu’elle avait toujours été la seule dans son existence, pour elle, il aurait pu aller décrocher la Lune et maintenant qu’il se trouvait enfermé, à ruminer tous les jours, il ne pouvait s’empêcher de croire qu’il l’aurait pardonné s’il l’avait surpris avec un autre. La jalousie n’avait jamais été l’un de ses traits de caractère. Pourtant, c’était sur ses mains qu’on avait retrouvé du sang alors que ses vêtements en étaient presque totalement imbibés. Concours de circonstances, manipulation, pure hasard ou acte prémédité ? Il était complètement perdu et chaque fois qu’on lui en parlait, il ressemblait à un gamin, complètement décontenancé et incapable de mettre tout en ordre.
Sa vie n’était qu’un concours de circonstances malheureuses et il ne put que le reconnaitre lorsque les photos de ses bouts de chou disparurent sous le meuble sans qu’il ne puisse les rattraper. C’était l’illustration parfaite de sa vie, tout partait en vrille sans qu’il ne puisse avoir la chance de contrôler quoi que ce soit, c’était à se taper la tête contre les murs et si autrefois, il avait décidé de se laisser porter par les événements, désormais, il n’avait plus la force de supporter tant d’injustice et il voulait seulement disparaitre pour de bon. Au fond, peut-être était-ce mieux ainsi pour les siens et principalement ses enfants. Ils ne l’avaient pas encore vu et c’était préférable, ils devaient continuer leur vie comme si de rien était et l’oublier. L’oubli était le meilleur remède face à la réalité. Il ne pouvait supporter le fait d’être un poids pour eux, que ce soit maintenant ou plus tard, pas plus qu’il n’acceptait le fait d’être une honte pour son fils et sa fille, si pour le moment, le meurtre avait été plus ou moins couvert par l’armée, on ne tarderait pas à savoir où se trouvait M.Janssen et alors tous se déchaîneraient sur les autres membres de la famille. C’était le pire qu’un père puisse faire subir à ses enfants et la culpabilité le rongeait de l’intérieur, au point où il n’en dormait plus. Il ne rêvait que de paix et de silence et quoi de mieux que la mort pour cela ? Un passage par la case prison lui aurait assuré cette fin et il regrettait presque que cette option lui fut interdite presque d’office. Tout le monde craignait qu’il fasse un véritable carnage au sein de n’importe quelle prison d’état quand on ne pensait pas clairement que sa place n’était nulle part ailleurs que dans un établissement spécial pour les cas psychiatriques. Lui ? Il ne pensait pas grand-chose, juste à disparaitre et au fait que personne ne semblait disposer à réaliser ses dernières volontés.
Bien loin de la réalité de l’hôpital, il ne remarqua même pas que la petite infirmière tremblait de tous ses membres tout en s’escrimant à récupérer ses photos, il fallut qu’elle les lui tende pour qu’il réalise qu’elle était entrée dans sa chambre et se trouvait incroyablement près de lui, assez pour qu’il puisse observer les traits ses fins de son visage, elle ressemblait à un ange. Cette pensée lui décrocha un sourire tandis qu’il se saisissait de ce qui lui appartenait. Immédiatement, son regard se porta sur les photographies, il les caressa un moment du pouce avant de les ranger dans la poche de sa chemise.
« Merci. » lâcha-t-il avec sincérité sans pour autant détacher son regard de la cours
Etait-il si effrayant que ça pour qu’elle se sente contrainte de retrouver l’encadrement rassurant de la porte ? Sûrement bien qu’il n’avait pas le souvenir d’avoir déjà fait du mal à une infirmière du centre, il prenait toujours soin de tabasser les hommes, histoire de s’en prendre à quelqu’un de sa taille, bien que ce soit terriblement complexe de trouver un adversaire de plus de deux mètres ici, et surtout qu’on lui réponde. Ici, cela manquait tout bonnement d’action et les occasions étant rares de prendre un peu de bon temps, il fallait quelques fois forcer sa chance. Pour ce qui était des infirmières, il se contentait de laisser traîner ses mains, du moins quand elles étaient assez jolies pour qu’il ait envie de le faire et par le plus grand des hasard, aucune d’entre elles n’avait le physique de sa femme, ce qui lui épargnait bien des désagréments, il n’aurait pas été capable d’affronter son image tous les jours. Il passait déjà beaucoup de temps dans sa chambre sans qu’en prime il finisse par ne plus en décrocher.
« Les autres m’importent peu. Ce dont j’ai besoin c’est de sortir et de retrouver ma famille et certainement pas d’aller manger de la bouffe infâme avec pour seule compagnie, des tarés. » répliqua-t-il un peu sèchement avant de poser ses yeux d’un bleu glacial sur elle « Ne vous forcez pas à vous intéresser à moi Becky » Il était peut-être fou mais entendait encore très bien et possédait une mémoire d’éléphant, surtout quand il s’agissait des prénoms « vous n’aurez qu’à leur dire que je n’ai pas voulu venir, il est inutile de vous infliger une telle torture. Vous tremblez comme une feuille … »
Lentement, il se leva, conscient que s’il refusait d’obéir, on finirait par venir le chercher et le traînerait par la force hors de sa chambre et aujourd’hui, il n’avait pas vraiment envie de jouer à ça. Au passage, il agrippa son pull qu’il enfila avant de rejoindre la blondinette.
« Ne vous en faites pas, je ne mords pas les femmes et surtout pas lorsqu’elles sont séduisantes. Ou alors seulement lorsqu'elles le demandent.»
Il n’y avait aucun sourire sur son visage, juste une sincérité presque dérangeante.
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Sujet: Re: Make them believe you are strong [r.] Dim 31 Oct - 16:28
Un jour, cela allait lui causer sa perte. On n’avait cesse de le lui répéter. Lorsqu’elle était patiente ici. Lorsqu’elle en était sortie. Lorsqu’elle avait accueilli ce sans abri avec Lily qui dormait à l’étage. Lorsqu’elle s’était interposée dans une bagarre entre deux ivrognes et avait reçu un coup de poing dans la figure. Lorsqu’elle avait décidé de revenir travailler et s’infliger encore et toujours la peur au ventre qu’un autre malade vienne à l’agresser. Lorsqu’elle avait accepté de retourner dans l’aile C pour rendre service. Ils l’avaient mis en garde. Noah et Israel. Ils avaient tenté de la faire changer d’avis, de métier et même de vie. Mais rien n’y avait fait. Elle continuait de s’infliger de telles tortures mentales et en ignorait toujours la raison. Etait-ce pour se laver de ses péchés alors qu’elle n’était qu’une adolescente manipulée par l’autorité de son professeur ? Etait-ce pour s’amender d’avoir abandonné son petit amie sur la route du canada et qu’il était mort là-bas, seul dans ce pays à l’autre bout de la terre ? Etait-ce pour la mort accidentelle de Lily dont elle continuait de se sentir coupable et de se rejeter la faute alors qu’elle n’y avait rien pu ? Toujours est-il qu’elle avait cette capacité à s’infliger des supplices qui prouvait d’une certaine manière qu’elle ne s’était toujours pas sortie de sa maladie et que jamais elle ne pourrait avoir une personnalité normale. Mais après tout, qu’était-ce la normalité ?
Elle se mordilla la lèvre tandis qu’elle continuait d’observer le patient de la chambre 13, les mains inconsciemment agrippées au chambranle de la porte, comme bouclier et point d’ancrage à la peur qui suintait de chacun des pores de sa peau. Elle savait qu’elle aurait du se montrer davantage indifférente et surtout ne pas montrer qu’elle était terrifiée. C’était la première chose qu’on lui apprise lorsqu’elle était passée de l’autre côté de l’asile. Les patients, ici et surtout de cette aile précise, étaient comme des animaux sauvages, l’intelligence en plus. Ils flairaient la peur et la retournaient contre vous dans la seconde qui suivait, causant ainsi votre perte. Ce patient précis avait déjà causé sa perte une fois. Pourquoi tendait-elle le bâton pour se faire battre une fois de plus ?
Elle l’observa en silence caresser avec tendresse la photographie de ses enfants. Elle savait la raison de sa présence en ces lieux. Pour autant, elle ne se permettait pas de juger. Qui était-elle pour juger un autre ? Elle était la plus mal placée pour se faire dans l’ensemble du complexe. Bien que les seuls souvenirs qu’elle possédait de sa précédente rencontre avec lui ne jouait pas en sa faveur et l’avait marqué négativement. Elle se rendit compte qu’au final, il était un humain, avec ses blessures et un passé. Il n’était pas uniquement le monstre qui l’avait terrorisé il y a des mois de cela. Pour autant, elle préféra ne pas prendre la parole. Il ne fallait pas trop lui en demander. Bien qu’une partie d’elle-même souhaite le prendre dans ses bras et l’aider à aller mieux, à le convaincre, pas à pas, de se diriger vers le sentier de la guérison, elle en était physiquement incapable. La partie la plus influente lui murmurait de sa voix impérieuse de tourner les talons et de le laisser croupir et mourir de faim dans sa chambre. C’était tout ce qu’il méritait. Il méritait même davantage. Alors elle n’avait pas à culpabiliser pour lui ni à prendre quoi que ce soit à cœur pour lui. Il avait mérité des châtiments plus terribles encore. Ce n’était pas le pire sort auquel il aurait pourtant dû largement prétendre.
Elle se mordit l’intérieur de la joue tandis qu’il perçait le silence qui s’était installé entre eux de sa voix grave et sensuelle. Elle rentra davantage la tête dans les épaules, incapable de le regarder dans les yeux tandis qu’il lui faisait judicieusement remarquer qu’elle était terrifiée. Elle se figea temporairement en l’entendant dire son prénom et l’espace d’un instant, elle crut qu’il allait recommencer, qu’il se souvenait de l’incident. Mais non. Elle se souvint que sa collègue l’avait interpellé de son nom et il avait peut être dû l’entendre. Elle aurait très certainement lâché l’affaire, tout son être ne demandait que ça, s’il n’avait pas prononcé les mots suivants. Non, il ne les mordait pas, il faisait bien pire. Etait-ce l’adrénaline du souvenir marquant qui déferla dans ses veines, mais elle ressentit une colère aussi inattendue qu’immense. Elle la maintint cependant sous cape, étant assez futée pour réaliser la sérieuse différence de taille et de force entre le géant et la frêle infirmière qu’elle était.
Cependant, elle plongea son regard ardent dans celui de Tobias et lui lança d’un ton sans appel mais qui tremblait très légèrement tout de même : « Si vous voulez sortir un jour et pouvoir revoir vos enfants, il faut alors penser à guérir. Ce n’est pas en vous morfondant dans votre chambre sur votre cruelle destinée, à refuser de vous alimenter ou agresser chacune des personnes présentes en ces lieux qui tentent uniquement de vous aider que cela va marcher. Il faut y mettre du vôtre. On ne peut pas le faire à votre place. » Elle réalisa à l’instant même où elle prononçait ces paroles qu’elle était peut être en train de commettre une monumentale erreur. Elle n’avait pas seulement montré qu’elle avait peur, elle avait de plus mordu la première si l’on puisse dire. Elle se tut instantanément et se mit davantage sur ses gardes, attendant à tout moment qu’il ne l’attaque à son tour, verbalement ou physiquement.
Elle détourna à nouveau le regard, incapable de le regarder dans les yeux et observant attentivement s’il y avait quelqu’un du corps médical à proximité. Malheureusement, il n’y avait que Tobias, le patient pyromane qui l’avait observé à son arrivée et elle-même dans les environs proches. Dans quoi s’était-elle encore fourrée ? Elle contracta la main, s’empêchant de s’excuser de son ton abrupt. Elle devait maintenir le cap et ne surtout pas montrer que la proximité de Tobias la troublait, qu’elle était prête à défaillir et qu’elle n’avait pas envie de revivre le même enfer.
Elle n’avait clairement pas envie qu’il la morde. Ou autre. Il était séduisant, elle en était parfaitement consciente et bon nombre d’infirmières auraient aimé assouvir le fantasme connue de la profession avec ce dernier s’il n’avait pas été aussi dangereux. Les nouvelles, en général, qui l’observaient de loin dans la cour ou au réfectoire, soupiraient devant son physique et son aura. Il n’était pas uniquement beau physiquement. Il se dégageait de lui un charme et une attraction magnétique dont on ne pouvait facilement se défaire. Les plus anciennes les mettaient en garde mais rien n’y faisait. Elles ne revoyaient leur position qu’une fois après avoir été témoin d’un de ses mauvais jours. Becky n’avait jamais eu besoin de passer par ces phases. Elle se pensait trop expérimentée pour être impressionnée par un patient. Elle avait eu tort.
Sujet: Re: Make them believe you are strong [r.] Jeu 11 Nov - 22:24
Il était si facile de le juger, de lui coller une étiquette en pensant le connaître et sans doute pour se rassurer, se dire que jamais on ne finirait à sa place, qu’il fallait être dérangé de naissance pour atterrir dans ce genre d’endroit et qu’on était trop bien, oh oui trop bien, pour finir ici. Lui avait eu une vie de rêve, rien de ce qu’il voulait ne lui était refusé, il avait été élevé à la dure, son père ne laissa rien passer, qu’il s’agisse de ses résultats scolaires, de ses fréquentations ou bien même de son futur, il ne tenait pas particulièrement à ce que son fils suive ses traces, il voulait seulement que celui-ci ait un bel avenir, qu’il soit quelqu’un et puisse marcher la tête haute. Son père était un vétéran, il était revenu de France avec des images plein la tête et une expression grave qui affadissait le moindre de ses sourires et venait gâcher ses moments de bonheur les plus purs. Il n’avait pu oublier tous ces cadavres amoncelés en tas comme des bêtes dans des tranchées de fortune et ceux qui s’approchaient le plus d’êtres humains mais qui ne ressemblaient à rien d’autre que des morts vivants qui se traînaient avec peine jusqu’à eux, parvenant tout juste à réaliser que pour eux, le calvaire était bel et bien terminé. Cette histoire, Tobias la connaissait par cœur, il n’avait de cesse de la demander à son père lorsqu’il était enfant, voyant cela comme un acte héroïque, loin de s’imaginer que ça avait tout de la tragédie, loin de prendre réellement conscience de ce qu’impliquerait son engagement dans l’armée. Il avait fallu qu’il se retrouve sur le terrain avec les autres pour mesurer l’ampleur de son erreur. Ce n’était plus des entraînements, c’était la réalité, du vrai sang, de vrais civils, de vrais enfants mutilés, de vraies bombes et de vraies pertes. Non, il n’était pas né avec une tare, des troubles psychiatriques ou même une malformation génétique, il avait été parfaitement normal, autrefois puis il avait vécu la guerre et avait appréhendé tout ça à sa façon, à la manière d’un vrai homme, il avait tout intériorisé, il avait tout gardé pour lui, se transformant en véritable boule de douceur avec sa famille et surtout ses enfants, omettant ce qu’il avait vu et entendu. Puis il y avait eu la goutte d’eau qui fit déborder le vase, la chose qui rappela son alter ego malfaisant et le transforma en monstre assoiffé de sang. Il arrivait qu’il finisse par réellement croire qu’il avait tué sa femme, il arrivait qu’il en soit convaincu et alors il tenait là une raison supplémentaire d’en finir. Il n’avait jamais aimé aucune autre femme qu’elle, il aurait donné sa vie pour elle, pour la voir sourire et tout ce qu’il avait été capable de faire ce fut de lui ôter la sienne, mettre un terme à son existence dans un moment de trouble. Il était désormais trop tard pour lui venir en aide, il avait déjà tout foutu en l’air, il ne lui restait plus rien, ses enfants ne lui appartenaient déjà plus et il n’était plus que l’ombre de lui-même. A quoi bon continuer ainsi ? Qui le pouvait ?
La réaction de la blondinette ne l’étonnait guère, tous le craignaient ici, non pas lorsqu’il était, comme à présent, dans ce qu’ils appelaient tous un « bon jour » mais pour tous les autres où il se souvenait à peine de son identité et où il plongeait dans une douce folie dont il lui fallait des jours pour sortir et dont il ne se rappelait jamais tout à fait. Il avait dû pousser le bouchon extrêmement loin pour que la petite le craigne à ce point et il aurait aimé s’en excuser si seulement il en avait encore le souvenir mais tout lui échappait, son passé, le présent, son avenir. Allait-il mourir ici ou l’autoriserait-on à retourner chez lui un jour ? Que lui réservait le destin ? Un autre détour, une autre embuscade pleine de sang et d’horreur ou bien un peu de bonheur ? Il en doutait fortement, les monstres n’avaient pas le droit au repos, il serait damné pour ce qu’il avait fait et bien qu’il ne soit pas vraiment chrétien mais plus païen, il savait que le meurtre était proscrit dans toutes les sociétés même les plus primitives, au même titre que l’infanticide ou la pédophilie. Il osait à peine imaginer ce que subissait les siens au quotidien, son moment d’égarement avait dû faire la une des journaux et surtout le tour de la base, sa place ne pouvait être ailleurs qu’ici. La démarche traînante et l’œil hagard, il finit par rejoindre le petit bout de femme qui lui faisait face, espérant qu’elle n’aurait pas la mauvaise idée de prendre peur et d’hurler ce qui rameuterait les autres imbéciles et lui offrirait un détour gratuit par la case isolement, tranquillisants et séance bondage gratuite et en solitaire. Néanmoins, elle n’en fit rien et réagit même avec beaucoup plus d’agressivité qu’il ne l’aurait cru capable, elle était si minuscule, comment un être aussi petit et mignon pouvait déverser autant de fiel en si peu de temps. S’il n’avait pas été si déprimé, il en aurait probablement ri mais il se contenta d’un sourire triste. Elle ne pouvait comprendre et il ne lui demandait pas de le faire, il voulait seulement qu’elle garde son opinion pour elle, il n’avait certainement pas besoin de ce genre de « conseils », il n’était pas stupide au point de croire qu’on relâcherait un danger public comme lui et quoi qu’il fasse et peu importait la manière, jamais il ne retrouverait sa liberté, il avait cessé d’y croire, la seule chose qui comptait désormais c’était ces petits bouts de papier.
« Tout ne se passe pas toujours comme dans les contes de fées Becky, on ne peut pas tout régler d’un coup de baguette magique avec beaucoup de bonne volonté et son amie la bonne fée. Je sais pertinemment qu’on ne me remettra jamais dehors et que si l’on m’estime guéri j’irais faire un séjour prolongé dans le couloir de la mort jusqu’à ce qu’on daigne me tuer. Alors vos petits conseils piochés dans votre magazine de psychologie de comptoir, épargnez les moi et dispensez les à ceux à qui ça peut encore servir ! »
Constatant qu’elle s’était figée, il finit par prendre le parti de l’écarter doucement de l’embrassure de la porte pour sortir et lui montrer qu’il était sûrement temps qu’elle l’escorte vers le réfectoire. Sur elle, son charme légendaire ne semblait pas opérer et ce n’était pas plus mal, il supportait assez mal les œillades appuyées des petites nouvelles quand il se trouvait dans un état pareil, il se sentait si fragile, comme si la moindre petite réflexion pouvait le faire fondre en larmes sans qu’il ne puisse les retenir. C’était pathétique, il l’admettait volontiers mais c’était devenu son quotidien, quand il n’était pas en crise, il déprimait et quand il ne déprimait, il redevenait le type imbuvable que la petite blonde avait rencontré à de nombreuses reprises. Personne ne semblait parvenir à le contenir, personne n’était parvenu à percer le mystère de sa personnalité complexe et certainement pas le malheureux psychiatre qui mettait une bonne heure à lui soutirer un mot. Avançant d’un pas lent et pesant, ils finirent néanmoins par atteindre l’immense salle où des hommes de tout âge mangeaient salement. Il semblait que c’était là les rebus de la société, tous faisaient peur à voir et dans cette masse de fous, il était certainement le seul à paraitre aussi normal. Il s’installa tant bien que mal sur la chaise minuscule, la jeune femme non loin de lui ce qui éveilla la jalousie d’un des patients qui se jeta sur la jeune femme avec sa fourchette. Il n’y avait pas à dire, il y avait de l’ambiance dans ce service. Avant même que les surveillants n’aient pu l’atteindre, le géant blond s’interposa et reçut le coup sur le torse. Le patient, un certain Monsieur Mac Pherson, le fixa, abasourdi avant qu’on ne l’empoigne avec force et qu’on ne l’emmène en isolement. Un geste altruiste, voilà quelque chose qui ne lui ressemblait pas, surtout pas ici.
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Make them believe you are strong [r.]
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